Forêt du Sprickelsberg – suite…

Forêt du Sprickelsberg: les travaux de desserte ont commencé, les opposants amplifient leurs actions

Publié par Christian RUBECHI le 19 novembre 19 sur Alterpresse

« Le bois est à eux, mais la forêt est à nous »

Vous pouvez retrouver l’ensemble de nos précédents articles relatifs au massif du Sprickelsberg, en date du: 18 octobre 2018, 3 novembre 2019, 29 janvier 2019 et 1er juin 2019 : https://www.alterpresse68.info/

Ainsi qu’ici : https://tet.alterpresse68.info/2018/10/28/menace-le-massif-du-sprickelsberg/

https://tet.alterpresse68.info/2018/11/13/sprickelsberg-ou-lusine-a-bois/

Les travaux de réalisation du réseau de desserte forestière entre Dolleren et Kirchberg ont donc commencé, conduits sous la responsabilité de l’association syndicale autorisée (A.S.A) créée par décision préfectorale dans ce but, et ce « sous réserve du respect des prescriptions » définies par l’arrêté préfectoral du 5 novembre 2018.

La Cosylval, coopérative des sylviculteurs d’Alsace, assure la maîtrise d’œuvre générale.

Les 293 hectares du massif devraient ainsi être livrés à une exploitation industrielle intensive dans les 20/30 années à venir puisque les plantations sont arrivées « à maturité »…. à renouveler lorsque les plantations futures de remplacement seront arrivées à leur tour maturité.

Les conséquences en seraient considérables : risques directs pour l’environnement induits par ces travaux programmés sur deux ans, plantation probables d’arbres mono essence en rangées « militaires », risques d’utilisation systématique de produits phytosanitaires divers, certitude de multiplication de coupes rases défigurant les paysages, dégâts importants pour la biodiversité locale pointés par l’étude d’impact…. mais plus grands profits pour quelques scieries industrielles (et d’abord de la S.I.AT)… avec l’aval d’élus dont la méconnaissance des enjeux réels de ce dossier ne peut qu’inquiéter les habitants des villages concernés et au-delà..

Peu importent donc les conséquences sur la faune, la flore, l’économie locale de moyenne montagne liée à ces paysages préservés devenus rares en Alsace, le rôle de château d’eau du massif, tous éléments rappelés dans l’étude d’impact préalable imposée par l’administration compte tenu de la qualité de ce massif boisé situé dans le Parc naturel vosgien et qui tangente une zone classée Natura 2000.

Peu importent les circulations de camions grumiers de 47 tonnes en charge sur des routes non adaptées, au cœur des villages, sur des ponts, dont 4 ponts communaux dont on espère que sera vérifiée la capacité à supporter ces contraintes importantes ! Après tout ces camions ne feront que s’ajouter à ceux qui encombrent déjà la seule route du fond de vallée, compte tenu des dessertes forestières déjà crées.

Et peu importent les risques pour les personnes dans la traversée des villages ! (voire aux habitations comme on l’a déjà constaté à Kirchberg).

Si la desserte forestière du Sprickelsberg ne sera après tout que la dernière d’une série (12 à notre connaissance) déjà réalisée dans les vallées de Thann et de la Doller elle pourrait bien devenir la première à symboliser un rejet des habitant devant tant d’aberrations environnementales et économiques.

Mais le mépris opposé aux demandes de concertations exprimées depuis plusieurs mois par le Collectif de défense du Sprickelsberg auprès de l’ASA (sur les rythmes de coupes, les tracés de voies forestières, le tonnage des camions, les essences prévues de remplacement, des plans de gestion durable de la ressource…), comme le silence des administrations concernées, le silence (assourdissant) d’élus obnubilés par les quelques profits rapides espérés liés à ce type d’exploitation de la forêt, pourrait devoir cesser : les temps changent et la sensibilisation générale à ces questions est réelle.

L’expression dans les réseaux sociaux, les médias locaux, en réunions publiques, l’inscription du dossier Sprickelsberg au palmarès national des luttes contre les « Grands Projets inutiles » établi par le quotidien écologiste « Reporterre » (1) l’inscription à l’agenda d’actions de communication lors des prochaines élections municipales pour exiger des candidats des prises de position claires sur ces questions environnementales locales témoignent d’un intérêt grandissant.

Les travaux sont commencés mais l’action du collectif s’amplifie, encouragée par le mépris manifesté par les amateurs de forêts usines à cellulose, qui ont même décidé de s’affranchir de règles a minima prises par l’autorité préfectorale ! (cf. ci-après les « Petites nouvelles du front »)

Mais le rejet de ce projet de desserte forestière renvoie à des enjeux plus globaux et fondamentaux :

Portée par la vague des énergies renouvelables la réalisation des ressources en bois conduit désormais trop souvent à ces aberrations que sont les grandes dessertes forestières.

Depuis 2009 et le discours de Nicolas Sarkozy à la scierie SIAT – Braun à Urmatt, il ne s’agit plus que de « sortir du bois » et d’alimenter la filière industrielle… c’est-à-dire d’imposer par le biais de structures agréées par l’autorité publique des regroupements de petits propriétaires privés pour réaliser d’énormes chemins forestiers (de 6 à 12 mètres de large) pour laisser passer les camions grumiers en forêt (47 tonnes en charge) et les grandes abatteuses qui coupent et « épluchent » les arbres en quelques minutes (celle qui a travaillé au dessus de Kirchberg venait tout exprès d’un pays nordique pour réaliser une coupe rase (non réglementaire de surcroît…au fait où en est -on du procès verbal dressé par l’O.N.F ?).

Le tassement et la stérilisation probable des sols, les dégâts sur la faune et la flore, les probabilités de plantations de résineux en mono essence et donc les risques accrus d’apparition de maladies des arbres (les forêts de la vallée de la Doller sont déjà parmi les plus touchées d’Alsace et le rougissement des arbres annonce leur mort programmée), les forêts privées « défigurées » (Marie Marty), l’emploi systématique de phytosanitaires divers comme dans le Morvan où l’eau naturelle s’avère souvent impropre à la consommation, l’oubli volontaire de méthodes de gestion alternative et durable de la forêt… autant de paramètres qui ne troublent pas les industriels forestiers, trop pressés de démarrer les travaux pour bénéficier des subventions européennes qui les financent à près de 80 %.

Sur-mécanisation, intensification et standardisation des coupes forestières, financement européen des travaux de dessertes comme au Sprickelsberg, rachat systématique des parcelles par les scieries industrielles à des petits propriétaires peu concernés par les enjeux (120 ayant environ un hectare boisé dans le Sprickelsberg contre 4 ou 5 financiers du bois qui ont pris le contrôle de l’A.S.A), cela ne vous rappelle-t-il rien?

C’est tout simplement le schéma qu’a connu l’agriculture, dans le cadre d’une politique publique d’encouragement au remembrement permettant une exploitation de type industriel… et son cortège d’excès et de dérives dans l’utilisation de la chimie, au secours de terres appauvries par la surexploitation.

Et l’Office National des Forêts ?

Aux abonnés absents dans ce dossier, sauf pour les 40 hectares de la forêt communale de Dolleren où l’ONF a qualité pour gérer la forêt, et où la situation pourrait s’avérer « moins pire » que dans le reste du massif, grâce à quelques mesures de compensation prises dans l’intérêt de la faune, et à l’engagement récent (entré en vigueur le 14 octobre 2019) de l’ONF de ne plus utiliser d’herbicides, insecticides et fongicides pour la gestion de l’ensemble des forêts publiques (forêts domaniales de l’État et forêts communales).

Menacée de faillite avec son modèle économique défaillant, ayant perdu près du tiers de ses effectifs en 15 ans, accusée de nombreux cas de non-respect du code forestier et d’oubli volontaire des méthodes de gestion durable de la ressource bois, de méthodes brutales dans la gestion du personnel (rappelons les multiples cas dénoncés par les organisations de travail parmi les agents de l’ONF de souffrance au travail, voire de suicides suite à la perte de sens de leur travail), abandonnant des missions environnementales majeures comme le partenariat avec la Ligue de protection des oiseaux, des projets de réserve bio intégrales, des mesures pour la biodiversité et le carbone, son statut remis en question par sa propre direction et fortement soumise à des contraintes de rendement financier, on comprend qu’elle soit d’une utilité très symbolique dans le dossier Sprickelsberg.

Petites nouvelles du front… la lutte continue, mais comment ?

Par constat d’huissier en date du 25 octobre le Collectif a fait constater le non respect flagrant de conditions imposées par l’arrêté préfectoral pour des travaux engagés sur une branche importante de la future desserte :

non respect des périodes prévues par l’étude d’impact et reprises par l’arrêté préfectoral pour la réalisation de ce type de travaux pour des considérations essentiellement liées aux impératifs environnementaux (reproduction d’espèces notamment).

non respect des distances minimales pour le tracé de la desserte indiquée par l’hydrogéologue expert (pourtant désigné par l’A.S.A elle-même, les demandes en justice de contre expertise ayant été rejetées) et reprises par l’arrêté préfectoral pour préserver de tout risque une source alimentant en eau potable une habitation proche et graves perturbations constatées par l’huissier: débit d’eau quasi nul).

Par lettre d’avocat en date du 13 novembre, le collectif a saisi la DREAL du Grand Est (service eau, biodiversité, paysages) de ces manquements, aux fins de faire engager une procédure à l’encontre de l’A.S.A.

Par ailleurs le contentieux d’annulation de l’autorisation préfectorale pour la réalisation de ce projet de desserte suit son cours devant le Tribunal administratif (T.A) de Strasbourg.

Le collectif lancera prochainement sur les réseaux sociaux un appel à la création d’un « Fonds participatif » pour financer les contentieux éventuels à venir : appel probable de l’une ou l’autre partie après le jugement à venir du T.A et recours devant le Conseil d’État, si nécessaire.

Sont poursuivis les contacts avec quelques élus européens, dans le cadre d’une réflexion préliminaire pour poser la question des études environnementales non obligatoires dans le cadre du plan de gestion forestier… alors que l’étude d’impact réalisée dans le cadre de ce projet de desserte forestière démontre amplement leur nécessité pour une évaluation fine des dégâts environnementaux divers.

Le Collectif citoyen de défense du Sprickelsberg

Vous êtes invités à rejoindre «les Indiens attachés à leur réserve et bloquant toute évolution» (selon la formule d’un élu de la Vallée) sur Facebook: Défense Sprickelsberg. (Vous y trouverez des vidéos et photos des dégâts occasionnés, à voir et partager !). Car si le bois est à eux, la forêt est notre bien commun !

Vous pouvez prendre contact avec le Collectif de défense du Sprickelsberg, en envoyant vos coordonnées (nom, téléphone) par courriel.

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