Coops agricoles néolibérales

Coopératives agricoles néolibérales

Evoquer le néolibéralisme, c’est rappeler les gigantesques effets dévalorisant du travail, des collectifs d’individus, de la nature juste bonne à sa domestication, du chacun pour soi, autorisant tous les opportunismes, où tout est monnayable. L’agriculture illustre à merveille ce dogme au regard du fonctionnement et de la gestion des coopératives agricoles, notamment en France. La coopérative (selon Wikipédia) est la combinaison d’un regroupement de personnes et d’une entreprise, fondée sur la participation économique des membres en capital et en opération. Son organisation et son fonctionnement sont caractérisés par des principes et des valeurs qui confèrent à chaque Coop un caractère universel quel que soit son objet ou son secteur d’activité. Ainsi, pour les prises de décision, elle repose sur un principe autogestionnaire : une personne = une voix. Les salarié-es et les membres-usagers sont ainsi tous et toutes égaux en droit, quel que soit le statut de leurs membres (client-es, employé-es, utilisateurs-trices ou résident-es) et de leur montant en capital. Enfin, les Coops s’appuyant, à l’origine, sur la valeur du travail et des travailleureuses, ne placent pas le profit comme une priorité. L’évolution de ce mode coopératif, nous le verrons, va totalement à l’encontre de ces principes.

« La France ferme »

C’est en Charente Maritime que la première coopérative agricole prend naissance suite à une surproduction de lait. Elle permit aux éleveurs de réguler leur production grâce à une mutualisation des problématiques de la filière dans cette région. La Beurrerie Coopérative de Chaillé était née, nous sommes en 1888.

De l’eau a coulé sous les ponts. Dans les années 30 du siècle dernier fleuriront de nouvelles coops, dans les filières viticole et céréalière, etc. Face aux fusions de distributeurs rendant leur concentration plus puissante, permettant ainsi d’imposer leurs tarifs, les coopératives agricoles se développeront dans un rapport de force en leur défaveur. En 1972, une loi du Code Rural définit le rôle des coopératives comme « l’utilisation en commun par les agriculteurs de tous moyens propres à faciliter ou à développer leur activité économique, à améliorer ou à accroître les résultats de cette activité ». « La coopération agricole (…) est au départ une démarche solidaire (…), expression d’un contre-pouvoir face à la loi de la jungle libérale », précise le journaliste Gilles Luneau (1). « Au-delà de la défense des intérêts économiques, elle affirme l’existence des paysans, elle est une expression de leur pouvoir et une manifestation de leur dignité ».

Dans la galaxie agricole, on n’est pas forcément producteur d’un aliment, on peut être fournisseur en matériels ou transformateur de produits qui seront présentés sur les étals. Mais quelle que soit la spécificité, l’agriculteur sera en général membre d’une coop. On en compte, actuellement, plus de 2 300 avec 190 000 salarié-es. Elles sont unifiées au sein d’une fédération nationale : la Coopération Agricole (la coop des coops), avec les coop agroalimentaire, agro-industrielle et forestière. Elles se structurent par pôle : pôle animal (filières apicole, avicole, bovine, porcine, nutrition animale), pôle végétal, coopérative laitière, la vigne et la pêche.

Par ailleurs, la Coop des Coops sert également à l’export. La France, premier bénéficiaire de la PAC (politique agricole commune), est également son premier exportateur. Avec une production chiffrée à 76 milliards d’euros, la France reste le premier producteur agricole de l’UE, et pesait en 2019 17,1 % du total. Elle est suivie par l’Allemagne, l’Italie et l’Espagne.

On compte dans la « France-ferme » environ 400 000 agriculteur-trices/exploitant-es. On en perd entre 1,5 et 2 % par an (Terre-net.fr). Il-les ne représentent aujourd’hui plus que 1,5 % de l’emploi total du pays, une proportion divisée presque par cinq en 40 ans. En 1982, il-les étaient 1,6 million. Les installations de nouvelles exploitations ont diminué de 3,7 % en 2019. Le nombre d’ouvrier-ères agricoles (salarié-es), s’est lui aussi réduit, passant de 310 000 en 1982 à 250 000 en 2019. Ce 10 décembre, les derniers chiffres parlent d’une disparition de 100 000 agriculteur-trices sur les 10 dernières années, sans quasiment de réduction de terres, due, en fait, à la concentration de la production.

De Charybde en Scylla

« Le mouvement coopératif est né d’une grande idée : le contrôle, par les producteurs, de leurs approvisionnements et de leurs débouchés face aux commerçants. Mais les bonnes intentions ont finalement débouché sur un fiasco », estime pour sa part un paysan breton. La journaliste Anne-Laure Chouin estimait en 2019, que plusieurs de ces coopératives agricoles « se sont éloignées de leur vocation initiale pour devenir des multinationales aux filiales opaques ». Pour cette fille de paysan-ne : « le modèle initialement vertueux des coopératives, censé suivre les principes de l’économie sociale et solidaire, semble donc avoir dérivé. Ces Coops continuent de bénéficier d’une image positive. Mais derrière le discours officiel (« on travaille pour nos producteurs »), les pratiques utilisées n’ont parfois pas grand-chose à envier à celles des entreprises capitalistiques de droit privé dont elles se disent si éloignées ».

La mort lente des fermes paysannes et la réduction des coopératives sont principalement dues aux rapprochements, concentrations et fusions. Or, deux phénomènes agissent en ce sens : l’intégration par rachat d’entreprises – même hors champ coopératif – et le développement industriel d’activités dans le prolongement d’une filière, soit au sein de la Coop elle-même, soit par le biais de ses filiales. Se constituent ainsi des groupes d’entreprises, contrôlés par une Coop mère et pouvant réaliser des milliards de chiffre d’affaires, principalement à l’international.

Si la France reste une grande puissance agricole, avec 8,4 Mds/€ par an d’excédents commerciaux, cette dynamique repose sur deux productions majeures : les vins et spiritueux : 12,4 Mds/€ d’excédent en 2019 et les céréales avec 6,2 Mds/€.

A l’instar du maraîchage bio, plus de la moitié des fruits et légumes que nous consommons viennent d’ailleurs. Autrefois première exportatrice mondiale de pommes (fruit le plus échangé sur le marché mondial) la France occupe désormais la septième place, devancée notamment par la Pologne et l’Italie.

Constatons que sa politique à l’export ressemble, sur divers points, à celle d’un pays « en voie de développement », exportant des matières premières, comme le bois, le lin, les pommes de terre pour revenir sous forme de produits finis : meubles, textiles, chips, etc.

NéoCoop et filiales opaques

Au prétexte qu’elles ne sont pas cotées en Bourse, les coopératives agricoles constatent un déficit structurel de financement et s’autorisent donc un maximum de profit pour bénéficier de l’autofinancement. Petit à petit, elles vont pénétrer le marché tenu par les industriels, avec la même politique capitalistique. Elles ne sont plus un dispositif de défense collective, mais « l’outil de conquête économique des paysans lancés dans la modernisation » analyse G. Luneau. Dans les années 1950, tout le monde pouvait être coopérateur-trice : que l’on soit un vieux cultivateur avec deux bœufs, en zone montagneuse, un jeune issu du lycée agricole, performant ou non, sans seuil économique pour être membre, ni de jugement porté sur la conduite de la ferme.

Le bouleversement intervient plus tard, avec les innovations technologiques pour ne pas être dépassé. C’est, dès lors, la chasse aux gains de productivité et la spécialisation (comprendre la division agricole du travail). De nouvelles normes de production sont programmées, avec un seuil minimum pour être coopérateur-trice, sommant ainsi les agriculteurs à se soumettre à la rentabilité, à l’usage de pesticides et à l’emprunt. La Coop des Coops justifie cette évolution : « la performance est le nerf de la guerre. Les coopératives cherchent à atteindre une taille critique pour faire face aux défis d’une économie globalisée » invoque-t-elle. C’est un facteur d’abaissement du nombre de Coop. En rachetant des entreprises même hors champ coopératif, se constituent des groupes, contrôlés par une coopérative mère, permettant de réaliser des milliards de chiffre d’affaires, tout en profitant d’avantages fiscaux. En vingt ans, 1 600 coopératives ont fusionné dans un processus de concentration qui aboutit à ce que moins de 3 % de ces structures regroupées accaparent désormais plus de 85 % de la production agricole, explique Mathieu Dauvergne, vigneron, de la Confédération Paysanne. Parmi les plus connues : Béghin Say, Daucy, Francine, Jardiland, Père Dodu, Yoplait.

La formation des administrateurs et des gestionnaires salariés des coops agricoles, sous la houlette de la Coop des Coops, est dorénavant déléguée à l’ESSEC (Ecole supérieure des sciences économiques & commerciales). Ainsi, les principes d’origine des coopératives sont bafoués au profit d’une ingénierie financière ; la compétitivité devient le seul credo dans la course illusoire à la globalisation économique.

Des « don Quichotte » des coop agricoles résistent encore ; celles relatives à l’utilisation de matériel agricole (Cuma) conservent une taille humaine, avec une connaissance intime de leurs membres. D’autres font l’effort de maintenir du lien avec leurs adhérent-es, en organisant des réunions locales, avec des délégations de pouvoir successives. Mais pour les plus grosses, la distanciation est créée, avec un pouvoir de plus en plus autonome qui n’a plus de comptes à rendre aux membres, pourtant propriétaires des coops.

Appellation d’origine cooptée

Si une Coop appartient juridiquement à ses adhérent-es, il-les se doivent de patienter pour connaître les montants auxquels leurs productions seront achetées : « Je ne sais même pas combien je vais être payé le mois prochain », rapporte un producteur de lait. « C’est toujours eux qui décident ». « Entre les mois de mars et août, on est toujours moins payés parce que les vaches sont dehors, et consomment plus d’herbe. Mais l’herbe, ça coûte aussi à produire ». Il arrive même que la coopérative oblige ses membres endettés à diversifier leurs productions : « certains producteurs laitiers ont dû mettre des haricots, et si les semences et les traitements ont bien été fournis par la coop, elles/eux sont sommé-es de travailler gratuitement ! Et s’il y avait finalement trop de haricots par rapport aux besoins, et bien ils ne sont pas ramassés ! Le but, asservir les producteur-trices pour mieux les contrôler » témoigne une paysanne.

Lorsqu’est questionnée la gouvernance, celle-ci renvoie au fait que les patrons des Coops sont les agriculteurs eux-mêmes. Or, des paysans affirment n’avoir jamais assisté à une élection ! C’est toujours la FDSEA (branche départementale de la FNSEA) qui est à la tête des CA et qui coopte les cadres des structures. Philippe Mangin, actuel président d’InVivo, l’une des plus grandes coop agricole, est un ancien président des Jeunes agriculteurs (très proche de la FNSEA). Des dynasties familiales se mettent en place, où le fils « hérite » de la direction de la coop. Emmanuel Commault, a ainsi succédé à son père, Jean-Claude, à la DG de la Cooperl (coop porcine). Et l’actuel dirlo de la Sodiaal, Damien Lacombe, est le fils de Raymond Lacombe, longtemps président de la FNSEA.

« Lors des AG, les adhérent-es ne disposent d’aucun document précis pour comprendre les décisions qui sont soumises au vote. Les commissaires aux comptes débitent un rapport de dizaines de pages à toute vitesse. Personne ne comprend rien. Tout le monde s’endort. Il y a réellement un effet hypnotique » affirment des membres. « L’AG, c’est du pipeau, appuie un éleveur laitier breton, on nous montre des schémas, des graphiques, des courbes en veux-tu en voilà. On ne comprend rien, si ce n’est que l’on est en déficit et qu’ils ne peuvent rien nous donner de plus. C’est à chaque fois le même baratin, il n’y a pas de transparence. Pourquoi ils ne mettent pas tout simplement le bilan, les recettes, les salaires, les dettes » ? « Dans la continuité de cette litanie on nous annonce que des filiales ont été acquises à l’étranger, que grâce à un montage financier ingénieux cela ne va rien coûter à l’adhérent. Que cela va nous amener plein d’avantages, reprend un autre travailleur. Ensuite, on vote à main levée tandis que l’odeur du banquet de clôture parvient jusqu’à nous, pour achever de nous déconcentrer. Tout le monde a hâte de se lever pour aller se mettre à table » Pire : ceux qui essaient d’en savoir un peu plus sont ostracisés.

Les boit-sans-soif en exemple

Cette gestion tient de l’opportunité à « tenir la caisse ». Les dirigeants des coopératives agricoles se gavent. Un DRH licencié en 2010 de la Coop Triskalia empochait 26 000 € de prime annuelle pour un salaire de 100 000 €/an. Un sondage réalisé en 2018 par le Dirca (mouvement des cadres dirigeants des coops agri) auprès de 150 personnes – dont 60 % de DG – révélait que onze d’entre eux émargeaient à plus de 200 000 €/an, quatre à plus de 250 000 et un à près de 350 000 €. La palme des rémunérations auxquelles basta!* a eu accès revient à un ex-DG de la Coop Le Gouessant. Embauché de 1987 à 2010, il ramassait avant son départ en retraite, 950 000 €/an (hors frais et bonus), avoisinant ainsi des niveaux de « salaire » des PDG du CAC 40.

M. Dauvergne, ex-coopérateur : « J’ai demandé combien était payé notre directeur, mieux vaut que tu ne saches pas », lui répond un éleveur laitier en Bretagne et coopérateur chez Eureden, qui se prétend être un modèle d’entreprise démocratique fondée sur des valeurs de responsabilité, de solidarité, d’équité et de transparence. Inconnus des coopérateurs, et jamais rendus publics, les salaires des cadres dirigeants sont en partie définis par l’Accord Paritaire National (APN) en fonction de l’étendue de la Coop (chiffre d’affaires, nombre de salarié-es, responsabilités). Hors frais et bonus, le salaire varie entre 43 215 et 272 355 €/an. L’APN, qui n’a pas la nature juridique d’une convention collective mais celle d’un modèle de contrat de travail, est négocié entre membres du secteur agricole et … membres du secteur agricole. Au côté du Dirca, on (re)trouve la Coop des Coops.

Les syndicalistes de l’industrie agro-alimentaire ignoraient l’existence de l’APN jusqu’à peu ; il/les froncent les sourcils en comparant les revenus des cadres dirigeants avec les salaires au SMIC (ou proche), perçus par le personnel des chaînes de conditionnement. « En tout état de cause, le montant maximum de l’indemnité de licenciement ne pourra être supérieur à 18 mois de salaire », précise l’APN. Un traitement de faveur sans égal par rapport aux petits salaires, traités selon ce que préconise le Code du travail, à savoir : un mois de salaire pour 4 ans d’ancienneté, 6 au bout de 20 ans, 12 après 40 années de carrière, loi trop souvent non respectée. Quand il a quitté Le Gouessant en 2010, le DG a touché 502 000 €. Christophe Thomas, éleveur laitier au sein de cette coop ne perçoit qu’environ 680 €/mois.

La gargantuesque distinction de classe sur les revenus concerne aussi les cadres, avec des écarts certes moins excessifs ; pour autant la pyramide « traditionnelle » est égale à celle de bon nombre de corps sociaux : l’inégalité systématique des salaires homme/femme, quel que soit le type d’emploi : 800 € de moins que les hommes pour les femmes cadres et ingénieurs au sein d’Eureden ; 400 € de moins pour celles qui sont techniciennes et agents de maîtrise ; 340 de moins pour les ouvrières ; 120 € de moins pour les employées. Par ailleurs, l’aggravation des écarts de salaire est aussi exprimée à travers l’augmentation salariale : 14,5 % pour l’encadrement, contre 4 % pour l’ensemble des salarié-es. Chez Triskalia, le montant global des dix rémunérations les plus élevées a grimpé de 26 % entre 2017 et 2019.

De l’entre soi

Dans les organismes publics ou privés chargés d’auditer les coops agri, les rémunérations sont des secrets bien gardés, seuls les hauts responsables ont accès à l’info. À qui s’en offusque, il est répondu que « les coopérateurs ne comprendraient pas ». Tu m’étonnes… Avec des revenus de 13 à 129 fois supérieurs ! Cela permet-il de comprendre en parallèle le grand nombre de suicides chez les agriculteur-trices ?! En 2019, ils et elles étaient 605 victimes (soit une moyenne de deux chaque jour), dont 57 % bénéficiaient la CMU (couverture maladie universelle).

Le propos est éminemment politique et philosophique, le monde de l’agriculture est plutôt d’obédience conservatrice et de droite, voire droite extrême. N’a-t-on vu par le passé diverses catégories viticole, fruitière, laitière… se rebeller légitimement pour s’en prendre vertement à l’État, en jetant des tonnes de fumier devant les préfectures, bloquer Paris avec des milliers de tracteurs, etc. sans jamais s’en prendre aux coopératives dont textuellement il/les en sont propriétaires. S’en prendre à l’État, ou à la grande distribution, c’est bien, mais ne serait-il pas judicieux et complémentaire de faire aussi le « ménage chez soi » ?

C’est certainement le plus périlleux à faire, l’entre soi des dirigeants agricoles est à son comble. Jugeons sur pièces. La Coopération Agricole et son environnement professionnel est représentée au titre de la coopération à la Confédération Nationale de la Mutualité, de la Coopération et du Crédit Agricoles, au côté de la Fédération Nationale du Crédit Agricole, et de la Fédération Nationale de la Mutualité Agricole (qui regroupe la MSA et Groupama).

Elle est membre du Conseil de l’Agriculture Française, aux côtés de la FNSEA, des JA, et des organismes cités ci-avant. Elle détient des mandats au Conseil Economique, Social, Environnemental et, au niveau européen, elle est membre du Comité général de la coopération agricole. La Coop des Coops est encore partenaire de l’association nationale de révision, du Haut Conseil de la coopération agricole), de l’Organisme paritaire collecteur agréé auprès des organismes professionnels, etc.

Comprenons bien que la FNSEA, le syndicat majoritaire pour une agriculture industrielle et intensive, tendance climato-sceptique et fortement à droite, est à la tête de Coopération française dans toutes les différentes filières. Mais le syndicat est également le maître des chambres d’agriculture régionales, de la presse agricole… Tout en marquant son influence auprès de l’enseignement agricole, à travers le ministère de l’agriculture qui en a la tutelle. Au ministère, c’est cette fédé qui détermine, de concert avec la Coop des Coops, le travail du ministre, épaulé par son cabinet dont la majorité des membres sont issus de la planète agricole. En fait, la FSNEA, qui défend son pouvoir au détriment de la base, est une structure totalitaire ; pour la déboulonner, la solution résidera dans la capacité des futurs paysan-nes en bio à agir en parallèle, armés de la condition sine-qua-non d’une politisation défendant la Sociale. Il faut se débarrasser de ce modèle de production, capitaliste ; le plus tôt sera le mieux !

Jano Celle, le 9 décembre 21

* Sources : en particulier sur l’enquête de Basta.média.fr et autres liens…

(1) La Forteresse agricole. Une histoire de la FNSEA, de Gilles Luneau, chez Fayard en 2004.

Pandora Papers ou la boîte de Pandore

On ne saurait informer des combines sonnantes & trébuchantes dans la nébuleuse agricole sans évoquer le dernier épisode de la série évasion fiscale.

Tous les trois-quatre ans retenti un nouveau scandale impliquant les milliardaires, les millionnaires, « leurs » sociétés, ainsi que des personnalités politiques, pris la main dans le sac du contournement fiscal. Après les Panama Papers, les Offshore Leaks, Paradis Papers, China Leaks, Lux Leaks et autre Dubaï Papers, voilà « enfin » Pandora Papers !

LICIJ (Consortium international des journalistes d’investigation) voile une enquête fleuve digne de concurrencer la mythologie : 12 millions de pages de documents secrets : 2,9 téraoctets de courriels, contrats, titres de propriété, etc. 117 pays impliqués, 29 000 comptes anonymes, 14 paradis fiscaux, 600 journalistes du consortium pour déchiffrer durant trois années tout ce qu’aucun Etat, ni Interpol, ni aucune autre structure policière n’est missionnée pour appréhender ces délinquants fiscaux. Seuls les moins fortunés de la planète fric, tentant de détourner quelques rares millions d’euro, seront – dans notre pays – dans le collimateur des limiers du 36…; histoire de faire bonne figure. Or, là il s’agit quand même – excusez du peu – de 11 300 Milliards de $, ou 11,3 billions de $.

Le consortium a rassemblé plus de 11 millions de documents… Tous proviennent de cabinets conseils, contributeurs des divers processus d’évasions fiscales. Particularité, cette nouvelle enquête présente une différence considérable : le nombre de sources ; avec Panama Papers par exemple, le consortium a eu accès aux documents d’un seul cabinet panaméen. Cette fois, ils ont collecté leur butin chez 14 cabinets différents, répartis partout sur la planète.

Evitons de lister ici quelques uns des milliers d’individus incriminés, pas de favoritisme pour ces 35 chefs d’Etats, 130 milliardaires, politiciens, religieux, monarques, maffieux… et plutôt que de ne s’en prendre uniquement qu’aux tricheurs, on f’rait bien mieux d’exproprier le capital dans son entièreté.

Une exception toutefois pour le Liban, Etat qui défraye la chronique, tant ses crises multiples paraissent insurmontables. Les « élites » qui ont eu recours aux paradis fiscaux : Najib Mikati, président du Conseil des ministres ; Hassan Diab, ancien président du Conseil des ministres ; Muhammad Baasiri, ancien haut responsable de la lutte contre la corruption ; Riad Salamé, gouverneur de la banque centrale ; Marwan Kheireddine, ancien ministre d’État libanais. La nébuleuse politico-financière libanaise est partagée au sein de 346 sociétés domiciliées dans les paradis fiscaux par le cabinet Trident Trust. Et que fait Emmanuel Macron, à part sa réthorique inquiétude pour sauver le Liban, il s’acoquine avec Mohamed Ben Salmane, le prince héritier d’Arabie Saoudite, histoire de « coloniser » l’économie moribonde du pays !

Rappelons qu’en France, seule la fraude fiscale se monte à 80 Mds/€ par an, aussi il faut y ajouter l’évasion fiscale qui se chiffre également en dizaine de milliards, tout comme l’optimisation fiscale (légale) produisant des pertes sèches en Mds d’euro pour Bercy.

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