Décès de Daniel Walter

Daniel, lors de l’Appel envers les jeunes pour le climat le 15 mai dernier

A l’annonce de la disparition de Daniel Walter dimanche 18 septembre, nous, ses camarades & ami-es étions un peu abasourdis, car s’il était bien malade, nous estimions qu’il pouvait encore survivre avant que la dernière opération chirurgicale ne viennent compliquer son état général.

Je ne préciserai pas davantage le grand vide qu’il laisse autour de lui, les hommages exprimés lors de ses funérailles (ci-dessous, quelques exemples) ce jeudi 22 septembrebre, montrent le personnage, qui milita avec abnégation durant des décennies, accompagnée par Annette son épouse. Pour l’Historique de TET :

HISTORIQUE DE L’ASSOCIATION

Ce premier hommage ici publié est rédigé par Denys Holder, militant & président de TET, précédant Daniel lors de la constitution de l’association.

Sur le col du Bonhomme le 4 octobre 2003

Daniel, comme il est difficile de parler de toi au passé, tellement tu as été intensément présent dans nos vies, tellement tu as occupé le terrain, été sur tous les fronts de luttes , sociales , syndicales , écologiques, citoyennes et démocratiques et aussi culturel.

Tout d’abord Daniel, ce fut une rencontre forte et marquante. C’était un soir de réunion publique au café La République à Thann, dans le contexte de la campagne des régionales. J’étais présent ce soir là en tant que premier président de TET pour exprimer notre opposition au projet de grande déviation de la vallée de la Thur. Après ma prise de parole une voix forte s’élève dans l’assemblée pour dire qu’il fallait nous faire entendre et faire connaître nos positions de manière plus radicale. C’était Daniel !

La connexion a été immédiate. Daniel a intégré le comité de TET et quelques années plus tard quand il a fallu reprendre les rennes de la présidence, c’est sans hésiter qu’il a endossé, avec détermination et pugnacité ce rôle .

Mais avant de lier sa vie, celle d’Annette et aussi celle de Vincent son fils aux destinées de TET, Daniel avait déjà fourbit ses armes et son verbe haut dans les luttes syndicales et sociales, notamment chez Air Industrie, mais aussi avec le collectif et la revue A Contre Courant Syndicale et Politique .

Il avait coutume de dire avec une certaine modestie teintée d’ironie, qu’il n’avait qu’un CAP et qu’il avait plié des tôles toute sa vie, Cependant face au patronat, aux dirigeant d’entreprise ou aux élus locaux, son énergie intarissable, son intelligence vive et son discours argumenté, ont fait plié plus d’une conscience rétive et fait ployer plus d’une opinion contraire.

C’est donc fort de son parcours déjà riche de réflexion et d’actions que Daniel a poussé plus loin, plus haut, avec toujours plus d’une longueur d’avance sur les événements, les engagements et les actions de TET .

Au fil de l’aventure TET, les rencontres, les lectures, l’acquisition de compétences citoyennes et d’expertise, notamment dans le domaine des infrastructures routières et ferroviaires, ont amené Daniel en étroite collaboration avec le comité à élargir le champ d’action de TET.

Daniel était et reste un homme de la vallée. Son ancrage était local, il avait à cœur de défendre la qualité de vie de ses concitoyens, tant du point de vue environnemental que sociale et économique. Mais cette action plongeait aussi ses racines dans une pensée globale intégrative. Il a incarné au mieux de ses possibilités la devise, « penser globalement, agir localement ».

Le combat initial de TET contre le projet de grande déviation a été gagné après d’innombrables manifestations, réunions publiques, comptage de camions, distribution de millier de tracts. Le 1er juillet 1999, le Tribunal Administratif de Strasbourg nous donne raison et casse la DUP. Une immense victoire pour notre petite association.

Daniel était un boulimique de travail, avec lui il y avait toujours un fer à battre, pas de répit et Annette son épouse et secrétaire essentielle et incontournable de l’association, en a souvent fait les frais.

Il disait souvent que l’adversité et les dossiers à défendre lui donnaient un surcroît d’énergie et rajoutait avec morgue, qu’on reconnaît la qualité d’un homme au nombre de ses ennemis.

Et de fait, plus que des ennemis, il a eu de nombreux adversaires avec lesquels il avait souvent l’occasion de ferrailler au sein de toutes les instances auxquelles il participait, la Com Com, le comité de ligne, Le Pays Thur Doller, les séance du Conseil Municipal, Le Parc de Wesserling et j’en passe… Il ne pouvait pas imaginer que des décisions se prennent pour la communauté, sans critique et sans proposition alternative.

Il était fondamental et vital pour lui de faire vivre le principe de l’Agora, le principe du débat publique, de la contradiction et de la consultation démocratique .

Il était aussi un lecteur insatiable, curieux de tout, à l’affût de tous les approches alternatives, que ce soit sur le plan des énergies renouvelables, des problématiques de santé et de prévention, des transports, de la gestion de l’eau et des forêts, de celle des ordures, des terres cultivables de la vallée, Tant de questions qui mobilisaient en permanence son intérêt et son désir d’informer, de sensibiliser, d’éveiller les consciences, d’être un lanceur d’alerte.
Pour déployer tous ces objectifs il a organisé avec toute l’équipe de TET

Les journées des Énergies Renouvelable à St Amarin. Un incroyable succès pendant 7 années.

Dans la continuité de l’action menée par l’association autour des énergies renouvelables, Daniel a organisé une sortie à Freihamt en Allemagne, qui a donné naissance à l’association « Énergie Citoyenne » présidée par Jo (Joseph) Schneider, et dont pas mal d’adhérents de TET font partie.

Il avait aussi le souci de sensibiliser les jeunes génération aux problèmes environnementaux. Il a impliqué les écoles et professeurs, tout en organisant de nombreuses sorties à Fribourg en Brisgau avec ces écoles, des retraités, des élus, pour découvrir les pratiques et les expériences de nos voisins dans le domaine des énergies renouvelables.

A partir des années 2000 il y eut les cycles de conférences avec de prestigieux intervenants dont Jean Marie Pelt, José Bové, Dominique Bourg, pour n’en citer que quelques uns.

Et comme si cela ne suffisait pas, il eut l’idée avec les copains de Ciné Quoi et Festi-Débat de mettre sur pied le Festival du Film Engagé. Avec pour objectif de : « pousser à nous remettre en question, pour penser ensemble une société et un monde plus justes et plus respectueux, avec l’espoir de faire émerger des alternatives pour enrayer l’évolution consumériste et individualiste ».

Daniel était aussi un homme de la terre, un jardinier qui avait à cœur de cultiver, planter, semer, récolter. Il s’était lié à Francis et Monique Schirck (https://agneaux-runtzenbach.fr/about/) et s’était impliqué dans les travaux de la ferme, en proposant son aide et son inépuisable force de travail. Ensemble ils avaient créé l’association «  Autour d’une ferme ». Il avait pris conscience de l’importance vitale de prendre soin de la terre mais aussi des paysans qui la cultive. Le soutien des Amis de la Confédération Paysanne (http://lesamisdelaconf.org/) et à Terre de Liens (https://terredeliens.org/), son engagement sur le terrain local en témoigne.

Voilà Daniel, un bref aperçu de l’empreinte profonde que tu as laissé dans ton sillage de combattant, dans nos vies et dans la vie de la vallée.

Mais au delà de ce militantisme tous azimuts, tu étais aussi un époux, un père et l’heureux grand père de Robin ;

un camarade et ami franc du collier, fort en gueule pour qui l’amitié et la camaraderie avait un sens profond. Tu as aimé la vie et toutes nos réunions se terminaient par un convivial et chaleureux pot de l’amitié, histoire de calmer les sangs qui parfois s’étaient échauffés.

Derrière ton armure de guerrier, il y avait aussi un homme sensible, pudique , qui montrait peu ses émotions .

Elles pouvaient se manifester parfois, particulièrement au moment du renouvellement des adhésions. C’était toujours un sujet d’étonnement de voir combien tu pouvais être affecté par la perte d’un adhérent, d’autant plus si tu n’en connaissais pas le motif. Tu disais que cela te minais bien plus que certains choix aberrants et incohérents de nos dirigeants.

Tel était Daniel, les membres de TET semblaient être une part de lui même.

Pour conclure nous dirons que tu as été un homme debout, un homme de forte conviction, déterminé et tenace, parfois jusqu’à l’entêtement… mais c’est normal puisque tu avais souvent finalement raison, mais pas toujours…

Debout tu as voulu l’être jusqu’au bout de ta vie. Samedi et dimanche encore tu as demandé à ce que l’on t’aide à te lever et à te mettre debout alors que tu étais dans la plus extrême faiblesse.

Daniel même si tu resteras à jamais présent dans nos cœur, tu nous manques déjà et le vide que tu laisses derrière toi est immense.

A chaque AG ces dernières années tu lançais un appel à candidature pour un nouveau président , avec l’intention de lever le pied et passer la main, sans que personne n’ait répondu à ton appel.

Ton départ nous met au défi maintenant d’inventer la suite sans toi, mais riche de tout ce que tu nous as légué. Merci infiniment pour tout ce que tu as accompli.

Salut à toi Daniel notre Camarade et Ami.

Le témoignage d’Albert Gasser, son grand pote, ensemble ils ont parcourus des sentier de lutte par monts & par vaux locaux.

On ne peut pas porter tout le malheur du monde !

C’est pourtant ce qu’a fait Daniel, un peu comme l’habitant de cette maison.

C’était un ouvrier-paysan, mais aussi un chevalier redresseur de torts, Perceval en quête du Graal ou Don Quichotte, selon les uns. Pourquoi ne pas évoquer le beau nom du chevalier-troubadour Walther von der Vogelweide, lui qui était du Vogelbach ?

Il ne chantait pas, non, mais ses interventions farouches étaient semblables au brame des forêts de septembre. Et ses courriers étaient fleuris de mots souvent explosifs, qui amusaient ou fâchaient, selon.

Invectiver les journalistes, user les boîtes aux lettres, user les pavés était son choix de lutte en même temps que les conférences et les films. Son Graal était la démocratie. Il voulait sans cesse nouer des liens avec les habitants et les élus, conscient cependant qu’une chape d’indifférence et de consommation était à percer.

Il n’a pas voulu entrer en politique pour n’accepter aucun compromis.

Il était de tous les combats militants contre les tunnels routiers à travers le massif, contre l’abandon des lignes de train, contre Fessenheim et l’enfouissement de Bure, contre l’enfouissement de Stocamine, le GCO, la fermeture des hôpitaux, contre tout ce qui fait reculer l’humain devant le progrès des machines et l’argent.

Son esprit critique l’a fait réfléchir sur toutes les inventions modernes, sans concession.

Nous nous sommes rejoints, peu à peu, TET et Alsace Nature. Soit de l’environnement vers la nature, soit de la nature vers l’environnement. Daniel a compris le besoin de biodiversité, il a compris que tout est lié, la planète, la terre et ce qui pousse, l’homme , les oiseaux, les insectes. Il avait été membre du groupe local d’Alsace Nature de la Thur avec Marie-Odile Holec et du Comité Départemental à Mulhouse avec Philippe Lacoumette. Je me souviens de sa capacité à trancher les décisions épineuses, de son refus des palabres. C’était un véritable catalyseur. Il était déjà désigné président départemental en 2006, quand des mouvements de couloir l’en ont empêché, soit pour son refus de toucher à l’ordinateur, soit pour avoir fait peu de cas à l’époque, des « petits oiseaux ». Il est resté en symbiose avec le groupe local Thur-Doller .

En commun nous avons défendu le train et contesté les camions, une alimentation saine en défendant les producteurs bio et le magasin de la Source à St Amarin, la santé et le libre choix vaccinal, les pollutions industrielles contre Cyclamen, les ondes contre l’obligation linky et l’invasion des antennes. Nous avons marché ensemble pour le climat et la Biodiversité au mois de mai. La supplique à la communauté de Communes pour lancer les Assises du climat, de l’agriculture, des forêts et de l’eau n’a pas reçu de réponse, mais l’espoir demeure. Le dernier engagement concernait les alertes aux risques d’inondation qui ne semblent pas vraiment faire peur aux communes, qui pensent à consolider les rivières et à construire.

Je tiens à rappeler sa capacité de synthèse et de clairvoyance. Lanceur d’alerte, il avait toujours une longueur d’avance et se montrait remarquable stratège. Téméraire et meneur d’hommes, il a ainsi contribué à éviter que la vallée ne soit un couloir à camions et que le TER ne disparaisse, et aidé à éviter la construction de l’incinérateur à Aspach le Haut et d’une unité polluante à Malmerspach.

C’est un ami, un frère qui part et qui restera notre phare pour éviter les écueils et choisir les bonnes routes, à Annette , Vincent, Robin, et à nous tous qui continuerons son œuvre.

Souhaitons à Daniel d’ être enfin dans la paix et qu’il puisse s’émerveiller des beautés qui restent à la Terre et pardonner aux inconscients qui la détruisent.

Un hommage qui vient de l’association Festi-débat, avec qui TET co-organisait, notamment, le festival du film engagé, par la plume de Jérôme Iltis.

 

Son fils Vincent, nous apporte son témoignage pour le club de Hand-ball où il est également licencié :

Concernant le handball, mon père a été parmi les fondateurs du club.

Il n’a pas du manquer beaucoup de matches au cours de sa carrière, avec des coéquipiers de toutes couches sociales et d’idées, que l’un soit chef d’entreprise, travailleur dans le nucléaire, fonctionnaire, prof, cadre, commercial, médecin… Joueur dur sur l’homme, il enchaînait souvent les 2 mi-temps de 30 minutes sans sourciller, et sans entraînement (« mon travail physique à l’usine est suffisant pour m’entretenir »)… tout juste avait il droit à 2 ou 4 minutes de repos quand l’arbitre le mettait dehors.

Membre du comité quand le club passait une mauvaise phase, son engagement a ensuite surtout été bénévole lors des manifestations du club (les bals de carnaval, la buvette de la braderie à Thann chez à la boucherie, la fête de la bière, la bourse aux modèles réduits…) ou en accompagnant des équipes de jeune le samedi, mais aussi financier en étant un donateur régulier, dans la mesure de ses moyens.

S’il était un militant pour l’égalité et la justice, toutes celles et ceux qui ont fréquenté les salles alsaciennes en général, et à Thann en particulier, peuvent témoigner qu’il valait quand même mieux que les coups de sifflets des arbitres aillent dans le sens des Jaunes et Noirs, ou que les adversaires soient corrects avec ses protégé-e-s.

Joueur jusqu’à 54 ans avec un titre de Champion d’Alsace pour conclure sa carrière, avec ses potes.

Et supporter dans l’âme donc, quelque soit le niveau de l’équipe, filles ou garçons, il descendait à Thann le samedi soir. C’était un peu sa grand messe à lui 🙂

Allez, salut Dany. Bon apéro là haut avec JP et Francis Kirner… et bien d’autres…

https://www.facebook.com/hbcthannsteinbach68/ => Dans les commentaires, un de Bruno Chimenti qui reprend bien ce qu’il a vécu avec lui à Air Industrie. Il avait la grève de la faim avec lui.

Avec Annette son épouse

Henri, un ami d’enfance nous fait également part de son hommage :

Je vais tenter de combler un petit trou mémoriel pour une postérité hautement méritée. De me souvenir des actions engagées par Daniel, mais peu relevées hier aux obsèques. Sans doute, et au delà des petites « paralysies » qu’occasionnent le présent émotionnel, faut-il s’en prendre à la temporalité…Il manquait hier nombre de témoins du passé – et pour cause…

Le syndicalisme au sein de la CFDT Daniel, que tu prétendais – à juste titre – être une organisation de classe, qui se voulait autogestionnaire à l’époque (tu rendras ta carte (d’adhérent) quelques années plus tard, suite à la « droitisation » de la confédération). Et c’est durant des années que tu auras ferraillé avec tes camarades de la section syndicale pour l’amélioration des salaires, pour des conditions de travail, contre les « plans-sociaux » advenant récurant dans les années 80…

Citons également la revue mensuelle de critique politique où Daniel, tu participas avec enthousiasme et régularité. Revue baptisée tout d’abord « Renouveau syndical », pour évoluer vers « A Contre Courant – syndical & politique ». Ce canard – de tendance marxiste-libertaire (si j’ose dire), qui paru courant 80, cela jusqu’en 2014, fut un outil essentiel pour informer du travail de sape qu’organisent les classes dirigeantes & possédantes. Tu n’avait pas que la boulimie pour la lecture. tu savais très bien comment les dominants fabriquent l’information, aussi point de contradiction, tout ce que tu pouvait refiler comme lecture à ton entourage était célébré.

Par ailleurs tu étais aussi engagé dans le collectif AC! Agir contre le chômage. A cette raison tu participas notamment aux divers combats contre le chômage & la précarité. Des marches à l’étranger lors de « marche européenne contre le chômage« . Mais également avec le collectif ad-hoc du 68, durant l’hivers 1997-98, lorsque ce dernier décida d’occuper le siège du PS 68 à Mulhouse durant un mois en soutien au chômeurs mobilisé-es.

Enfin, Si tu militais pour la nature & une démocratie populaire (fin du monde-fin du mois, même combat), tu étais également anti-fasciste. Comme lors, notamment, d’un regroupement d’électeurs-trices venu-es écouter un candidat FN d’alors ; cracher son venin dans la vallée pour pour toi camarade est inacceptable! Ce jour-là nous étions au bord de l’altercation…

Daniel, un exemple d’abnégation !

                     Jano Celle, le 23 octobre 22.

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