Un groupement forestier privé ferme des sentiers

Randonnée interdite en forêt alsacienne

Un groupement forestier privé ferme des sentiers

Nous reprenons ici les articles, ou des extraits, parus les 20, 24, 26 & 27 janvier dans le quotidien régional L’Alsace.

Après les Hauts de Chartreuse (Isère), une nouvelle affaire relevant du même cas de figure vient rebattre les cartes de la liberté de circuler des randonneurs, cette fois-ci dans le massif vosgien. Fin 2023, le groupement foncier forestier (GFF) de la Haute Doller a vendu 64 hectares de forêt au groupement foncier forestier du Wustkopf à Rimbach-près-Masevaux. Située entre le vallon du Neuweiherbach et le Gustiberg, la propriété est traversée par deux sentiers balisés (rond bleu et chevalet jaune, dit Steinweg). Entretenus par le Club vosgien Masevaux (CVM), ils relient le hameau d’Ermensbach aux lacs et à l’auberge-refuge du Neuweiher, très appréciés des marcheurs.

Le 11 janvier, le Club Vosgien de Masevaux (CVM) été avisé par un courriel au ton sec de la décision du nouveau propriétaire. ‘‘Nous interdisons tout passage sur notre propriété, selon la loi du 2 février 2023. Aucune tolérance ne sera admise. Veuillez enlever votre balisage cloué sur les arbres et passerelle […] au plus tard le 1er février’’, écrit Jean-Charles Muth, gérant du GFF.

Cela créé un précédent

« On est très inquiets. Cela crée un précédent dans une vallée qui compte 75 % de forêt privée », observe Guy Lasbennes, secrétaire du CVM. ‘‘Jusqu’à aujourd’hui, on n’avait eu aucun problème et la cohabitation avec les propriétaires était tout à fait correcte. La montagne est à tout le monde, c’est une atteinte à la liberté de circuler !’’ s’emporte-t-il.

Une atteinte ménagée par cette loi du 2 février 2023 sur la limitation de l’engrillagement dans les espaces naturels. Vouée à assurer une continuité écologique pour la faune sauvage, elle semble par endroits être dévoyée. Jusqu’alors, un-e promeneur-se qui circulait en forêt privée n’encourait pas de sanction pénale. Désormais, il tombe sous le coup de L’Art 226-4-3 du Code pénal. « Dans le cas où le caractère privé du lieu est matérialisé physiquement, pénétrer sans autorisation dans la propriété privée rurale ou forestière d’autrui, sauf les cas où la loi le permet, constitue une contravention de la 4è classe », stipule le texte législatif.

Le/la promeneur-se qui n’en tient pas compte s’expose à une contravention de 4° classe (175 à 375 euros).

Voici la carte du secteur concerné, entouré par des lignes orangées, entre le hameau d’Ermensbach et les lacs de Neuweiher. (Capture d’écran OpenRunner, IGN, Club Vosgien et LTD RANDO 68)

On ne veut personne chez nous !

« On ne dérogera pas, on est dans nos droits », assure Jean-Charles Muth, qui promet de matérialiser l’interdiction. « On ne veut personne chez nous, c’est une réserve de chasse, c’est l’intégrité d’une propriété qui est en jeu. Ce qui a été fait avant ne nous regarde pas », se défausse-t-il.

Le CVM espère encore ouvrir le dialogue et parvenir à un terrain d’entente, au moins sur l’un des deux sentiers. Le dossier a été transmis à la Fédération du Club vosgien. « Nous allons nous battre pour garder l’ouverture des sentiers, qui permettent une itinérance douce et non invasive », réagit Joseph Peter, responsable de la commission environnement et vice-président de la Fédération du Club Vosgien ; 128 associations dans le massif en sont membres.

L’association forestière Doller Thur, qui regroupe 275 propriétaires privés des deux vallées, condamne catégoriquement la décision du groupement forestier du Wustkopf de fermer les sentiers balisés par le Club vosgien et l’accès aux randonneurs.

La décision du groupement forestier du Wustkopf de fermer les sentiers balisés est « un cas isolé non représentatif des relations qu’entretiennent les propriétaires forestiers avec le Club vosgien et les promeneurs ». L’association forestière a condamné ce 24 janvier la décision du GFF du Wustkopf de fermer les sentiers balisés par le Club vosgien et l’accès aux randonneurs sur sa propriété de 64 hectares, en application de la récente loi du 2 février 2023.

« C’est une situation qui nous attriste. On est sur une vallée où la forêt est privée à 70 %, très prisée des randonneurs qui apprécient les sentiers du Club vosgien qui la sillonnent, sans qu’il n’y ait jamais eu le moindre problème », souligne son président Jacques Adam. « Notre association, à laquelle le GFF du Wustkopf n’est pas adhérent, ne prône absolument pas la fermeture de la forêt privée. Et on ne veut pas qu’il y ait un amalgame. Nous souhaitons une réelle cohabitation entre la filière bois et les usagers de la forêt – qu’elle soit publique ou privée – dans le respect de la nature et des lieux. C’est la base du vivre ensemble ».

L’emballement a conduit le Club vosgien Masevaux à inviter les esprits à l’apaisement. « Notre volonté est de désamorcer et de travailler à une solution dans un esprit de conciliation », précise Guy Lasbennes, secrétaire du CVM. L’association s’est notamment rendue à Rimbach-près-Masevaux examiner le cadastre et effectuer un relevé GPS précis des deux sentiers. « Il s’avère que le Steinweg, balise chevalet jaune, est inscrit sur le cadastre comme chemin rural, c’est-à-dire communal. Il ne peut être fermé même s’il traverse une forêt privée », affrme le maire, Michel Dallet.

L’article en question de la loi n°2023-54 du 2 février 2023, visant à limiter l’engrillagement des espaces naturels

et à protéger la propriété privé

« Nos itinéraires sont des éléments constitutifs du patrimoine »

La Fédération du Club vosgien (130 associations locales) a apporté son soutien à la section masopolitaine et pris le relais : « Nous demandons une médiation. Nous allons rencontrer les élus de la vallée et solliciter une rencontre commune avec M. Muth », annonce Joseph Peter, chargé du dossier. « Il faut voir quelles sont les solutions concertées à trouver pour maintenir l’accès aux lacs et à l’auberge-refuge du Neuweiher, propriété du Club vosgien Masevaux, par Rimbach, si possible par les deux sentiers. Au moins que le chevalet jaune, sentier historique et patrimonial, soit conservé. Nos itinéraires, éléments constitutifs du paysage et du patrimoine, doivent demeurer dans leur intégrité ».

La Fédération des chasseurs du Haut-Rhin enfonce le clou

Après l’association Doller Thur, la Fédération départementale des chasseurs du Haut-Rhin plaide à son tour « pour un partage de l’espace en bonne intelligence.

« La Fédération départementale des chasseurs du Haut-Rhin est pour le partage de l’espace en bonne intelligence et souhaite que la médiation aboutisse à une solution raisonnable », fait savoir ce 26 janvier Jean-Marie Boehly, président de la commission grand gibier, s’exprimant au nom de la FDC 68. « Juridiquement, le Steinweg est cadastré chemin rural, donc inaliénable. Au-delà de cet aspect, nous souhaitons que le bon sens et l’intelligence l’emportent. Nous sommes sur la position du Club vosgien et de l’association forestière Doller Thur. Bien que soucieux de maintenir la quiétude de la faune, nous ne souscrivons pas à la démarche du groupement forestier du Wustkopf ».

Le parc naturel régional des Ballons des Vosges appelle à « une solution concertée »

« Le parc s’oppose à une décision brutale qui modifie les pratiques locales. Il y a la loi, mais cette façon de faire n’est pas souhaitable. Nous demandons que les sentiers restent ouvert dans l’attente d’une solution concertée à laquelle nous sommes prêts à contribuer », communique Olivier Claude, directeur.

Sans connaître la position des aubergistes du Neuweiher, sans doute qu’il/les doivent craindre la perte de la clientèle de randonneurs (l’unique clientèle) pour le retour de la belle saison…

Le gérant de la société WUSTKOPF, Jean-Charles Muth, assure ne jamais avoir demandé au Club vosgien Masevaux de fermer le Steinweg, « mais les parties du chevalet jaune déviées à l’intérieur de [leur] propriété ». Il estime que le chemin d’accès au Neuweiher doit strictement respecter le tracé du chemin cadastré, ce qui ne serait selon lui pas le cas.

Dans ce qui apparaît dans les Vosges comme un cas isolé de l’application de la loi du 2 février 2023 sur l’engrillagement, le Club vosgien espère toujours parvenir à un accord amiable.

En Isère, l’interdiction d’accès aux Hauts de Chartreuse, décrétée par leur propriétaire, a suscité la mobilisation d’associations et d’usagers de la montagne. Une pétition en ligne a recueilli 38 250 signatures. Entre le droit de se promener dans les espaces naturels et le droit à la propriété privée, le débat est ouvert. »

Qu’est-ce que de la société WUSTKOPF

Wustkopf est un groupement foncier agricole, en activité depuis quatre ans et domiciliée à Galfingue (68). La société est spécialisée dans le secteur d’activité des services de soutien à l’exploitation forestière.

Traduction : tout ce qui touche à produire de la richesse issue de la forêt : coupe de bois, plantation, chasse… Or, la chasse dans le massif vosgien est aussi antique que vivent les humains dans cette contrée, mais jamais personne n’aurait imaginé durant des milliers d’années interdire une saine pérégrination dominicale.

Sauf que les sectaires du business ça ose tout ! Mais ce qui intéressent au plus au point Wutskopf et ses actionnaires (Suisses notamment), ce n’est pas de faire des affaires en prélevant sur une forêt d’épicéa scolytée, mais de louer des parties de chasse à des tarifs farfelus pour richissimes. Sinon, pourquoi interdire d’y randonner, et même d’y chasser lorsque on est chasseur local ?

Par ailleurs, ne plus pouvoir pénétrer dans une parcelle forestière autorise la propriété à faire comme bon lui semble, comme par exemple faire des coupes à blanc.

Bien que l’ensemble des acteurs locaux institués : Club vosgien, Commune de Rimbach, Parc régional des Vosges, Association Forestière Doller-Thur & Environ… incite à la « modération » (au constat de la loi), cette nouvelle interdiction risque bien de faire des petits, les ASA par exemple (Association Syndicale Autorisée regroupe l’ensemble des propriétaires sur un périmètre défini, pour y réaliser des travaux collectifs allant dans le sens de l’intérêt général). Ici dans nos vallées, les ASA opère pour la coupe de bois en forêt.

Or un précédent, qui n’avait pas défrayé la chronique locale, lorsque le domaine Schlumberger

interdisait l’accès aux randonneurs par l’ancien sentier balisé Storckenkopf-Mordfeld (à côté du Grand Ballon), pour fauche et pâturage intensifs, mais également pour la chasse privée ; de cerfs et chamois foisonnent…

Cette loi du 2 février 23 n’est pas de prime abord mauvaise, elle est sensée permettre avant-tout la circulation de la faune, elle est donc tout à fait vertueuse. Excepté pour le parallèle de l’article 8, qui n’est pas nécessaire à cette protection. En revanche, elle donne tout pouvoir à la propriété évacuant tous ceux qui pourraient la gêner, une bonne chose pour la nature certes, sauf pour les amoureux de celle-ci, ni chasseur, ni voleur, ni braconnier… L’interdiction autorise surtout à pouvoir faire ce que bon semblera aux propriétaires.

Aussi, des citoyennes & citoyens, amoureuses & amoureux de la nature, de la marche, entendent exprimer leur désaccord, voire leur colère, face à cette nouveauté antidémocratique ; une de plus ! Afin de respecter & considérer à sa juste valeur la biodiversité forestière, cette loi peut se passer de l’Art. 8. En effet, permettre à la société civile de conserver son regard sur ce qui se trame dans les propriétés notamment forestières, est un devoir démocratique. Le droit de se promener dans la nature, quelle soit privée ou publique doit être un droit inaliénable ! Donner TOUT pouvoir à certains, c’est grignoter peu à peu le droit à tous les autres. Elles & ils le feront savoir le dimanche 11 février, pour se donner rendez-vous sur le parking de Ermensbach à 14H00.

Stop aux excès de pouvoir de la propriété privé !

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