Les progrès techniques et leurs nocivités civilisationnelles

Progrès techniques.

Leurs paradoxes destructeurs

Article paru dans Pour l’Emancipation Sociale, n°48 Octobre 18.

Depuis l’imprimerie de Gutenberg, on aura « tout » inventé : l’auto, l’avion, le frigo, la radio, la télé, et mille sortes d’appareils, de machines, permettant à une partie de l’humanité de se nourrir, se former, se soigner, se cultiver, voyager… donc, de consommer, voire de surconsommer aux dépens de la nature : effet de serre, trou d’ozone, eaux et terres infectées, faune et flore en régression, dérèglement climatique… Aujourd’hui le numérique développe de façon exponentielle la communication. Le monde virtuel se charge de tout pour nous ? Pour le bonheur, le mieux-être de tous ou pour le profit de quelques-uns ? La technologie en marche est devenue une course folle : à peine avons-nous le temps de pratiquer un nouveau matériel que le voilà déjà obsolète. Cette accélération bouleverse notre quotidien à un rythme sans équivalent, comparé aux bouleversements opérés entre la 1ère révolution industrielle et la fin de la deuxième. Cette course au soi-disant progrès amoindrit le potentiel physique et mental de l’individu et l’assujettit à la technologie de masse, à un point particulièrement inquiétant aujourd’hui avec le « tout numérique ».

Toute nouvelle technique apporte des effets positifs immédiats (elle « simplifie la vie » « il faut être de son temps »). Les effets négatifs n’apparaissent qu’ultérieurement (santé, manque de considération de l’Humain…). Il n’y a pas de loi naturelle qui fait que le nouveau est toujours meilleur que l’ancien. C’est le système capitaliste, tel qu’il fonctionne qui impose des produits soi-disant toujours meilleurs. Pour qui ? Cette croyance absolue en la technique est la raison de perpétuation du capital et de ceux qui s’enrichissent sur le dos de celle ou celui qui achète et consomme.

C’est en ce sens que ce texte interroge quelques exemples de progrès techniques qui, pour certains, s’ils sont développés à outrance, contribuent à la destruction de l’équilibre environnemental de manière grave. C’est le paradoxe du progrès et de la croissance.

La motorisation en chiffres.

Prenons la voiture. Elle prend sa naissance au 19ème siècle et coïncide, peu après le train, avec l’essor de l’industrie métallurgique/sidérurgique et pétrolifère. D’abord propulsée grâce à la vapeur, elle passe rapidement et massivement au pétrole pour alimenter le moteur à explosion. Son usage s’impose dans les pays développés pour devenir le principal mode de transport des personnes. Son industrie devient l’un des secteurs de production le plus important et surtout, le plus influent à l’aube du 20ème siècle. Spectaculaire développement mondial : de 250 000 automobiles en 1907, 7 ans plus tard on en compte 500 000, pour culminer en 1939 à 50 millions. Puis, 150 millions durant les Trente glorieuses, pour atteindre en 2011 une production mondiale de 76 millions d’autos par an ! En 2016, on comptait 32,3 millions de voitures particulières en France, pour 1 milliard sur la planète. Selon les constructeurs, il faudra patienter près de trente ans pour voir baisser cette production. La révolution automobile a symbolisé l’ère moderne, en tant que fer de lance de la société de consommation.

A la bagnole, s’ajoute le véhicule utilitaire (camions, fourgons). En 2016, 2 215 000 poids lourds ont été vendus pour le Transport routier de marchandises dans le monde, qui achemine en Europe 99 % de produits de consommation quotidiens. L’émission de CO2 a bondi, même si les camions les plus modernes émettent, selon les professionnels du secteur, de 76 à 94 % de polluants de moins qu’en 1993. Pour nous dit-on, améliorer cette performance, vient de sortir des chaînes de montage, le camion hybride (diesel/électrique).

Enfin, 2,7 millions de bagnoles électriques seront vendues dans le monde en 2018. A cela s’ajoute les transports en commun, qui se comptent en millions de véhicules.

Effarant ! En 2014, quotidiennement et en moyenne annuelle, 102 000 avions s’envolent pour balader 8 495 000 passagers (site FlightRadar24) qui sont déversés dans 17 700 aéroports commerciaux. Y est inclus le fret aérien, en croissance constante, afin d’acheminer par ex. des fraises du Chili, des fruits de mers d’Extrême Orient, du pinard grand cru classé…). Selon le type de marchandises et leur destination, des camions se rendent d’un aéroport international à un autre pour acheminer les colis dans des cargos (gros porteurs) qui voleront de nuit. Le projet d’extension à NDDL avait comme objectif non avoué, l’accueil et la logistique de ce fret. La concurrence internationale, bras armé du capitalisme, fait rage : Istanbul va inaugurer son 3ème aéroport… notamment pour les marchandises. L’immédiateté consumériste n’a pas de prix.

En matière de transports de voyageurs, 4 milliards de passagers auront pris l’air en 2017.

Et par la mer ? Dans les années 70, le porte-conteneurs a relégué au musée le cargo. En 2010, 8 milliards de tonnes de marchandises ont transité par la mer. En 2005, 116 millions de voyages/conteneurs ont traversé les océans. En 2010, 8 milliards de tonnes de marchandises ont pris la mer. Aujourd’hui, on compte environ 120 000 navires de marchandises.

Qui pollue le plus ? Le transport maritime est bien plus polluant que l’automobile. Un paquebot de 25 restaurants, 4 piscines, 2 simulateurs de surf et une patinoire, accueillant 5 000 passagers et 2 300 membres d’équipage, à quai, pollue autant qu’un million de voitures.

Sans omettre les pétroliers, ces navires transportent entre 100 000 et 550 000 tonnes de brut, d’essence, de kérozène, de résidu pétrolier. Ces supertankers eux, ont livré 1,8 milliard de tonnes de pétrole (45 % de la production mondiale). Les 55 % restant voyagent par barges ou oléoducs. Ajoutons encore les méthaniers acheminant le gaz, ou les navires-citernes sillonnant les océans, chargés de produits chimiques liquides, et l’on pourra mesurer le positif et le négatif de la politique d’externalisation de la production.

Sans parler des risques de marées noires, qui, selon l’ITOPF (International Tanker Owners Pollution Federation), pour celles représentant plus de 700 tonnes répandues dans la mer impliquant des pétroliers, ont été divisées par 7 entre 1970 et 2000, soit 3,3 grosses marées noires par an contre 24,6 trois décennies plus tôt. Quid des « petites » marées noires comptabilisables par milliers ? En pratique, ces accidents ne sont pas aussi fréquents que les déballastages. Le déballastage est le déchargement des eaux de mer de lestage du navire, des résidus de cargaison liquide et des résidus de fonctionnement. Cette eau est infectée par les divers résidus des réservoirs. A ne pas confondre avec le dégazage qui désigne la ventilation et l’évacuation des gaz produits par les hydrocarbures dans les citernes d’un navire ; ces gaz nocifs doivent être éliminés pour permettre aux marins de pénétrer dans les citernes. Ces deux pratiques doivent obligatoirement se dérouler en zone portuaire, or, de nombreux navires vident leurs citernes en pleine mer. C’est gratuit !

Ajoutons à tout ça la flotte de plaisance, en France c’est environ 500 000 unités (voiliers compris), dont 5 000 yachts de plus de 60 mètres, qui en moyenne, brûlent 900 litres de fuel en une heure, alors que les 24 % de foyers français qui se chauffent au fioul ont du mal pour nombre d’entre eux à remplir leur cuve quand vient l’hiver.

Enfin, les forces armées, selon leurs moyens et leurs puissances, possèdent et utilisent des véhicules routiers, des chars et autres blindés, des avions, des navires, des sous-marins, des drones, des satellites, agrémentés de missiles et autres munitions, dont le coût suffirait pour nourrir des milliards d’êtres humains. Quid des dégâts environnementaux et humains ? Là encore, silence radio, la « grande muette » impose la discrétion et peu s’en plaignent.

Les matières premières

Il faut encore parler des besoins en matières premières à la fabrication et à la propulsion de ces engins énergivores. Les métaux : fer, or, argent, bronze, cuivre, zinc, nickel, étain, lithium, bauxite, platine, titane, mercure, tungstène, uranium… Le pétrole : fuel/gas-oil, essence, kérozène, plastique, caoutchouc, bitume, divers produits chimiques (dont des médicaments), tissus synthétiques, propane… Les conséquences sont désastreuses puisque la grande majorité des produits de synthèse ne se dégradent qu’à long terme. Les progrès technologiques obligent à se fournir en matières premières très spécifiques. Exemples : véhicule électrique, ordinateur, smartphone et tout objet connecté, industrie dite de pointe (Airbus, drone, photovoltaïque, éolienne, nucléaire, équipements militaires, etc.). Ainsi, industriels et investisseurs/spéculateurs courent après les terres rares, pour en extraire les précieux métaux rares : tantale, indium, dysprosium, terbium, césium, zirconium… Leur extraction dévaste l’environnement et la santé des travailleurs. Les coûts environnementaux, économiques et géopolitiques de cette dépendance vont se révéler aussi (si ce n’est plus) dramatiques que ceux du pétrole. Une véritable guerre économique des métaux rares est en cours. La Chine est le 1er pays producteur, faisant trimer les mineurs chinois comme des esclaves, laissant aux populations limitrophes de multiples pathologies liées aux extractions. Pour quoi ? Pour que tout consommateur lambda puisse s’asservir au smartphone ! Celui-ci est composé de plus de 40 métaux dont les alliages ne sont pas recyclables. Idem pour une batterie d’un véhicule électrique.

C’est une contre-vérité de prétendre que les politiques sur la transition énergétique sont bénéfiques, les dégâts qu’occasionnent les nouvelles technologies, de l’extraction à leur fin de vie, sont un non-sens, pour l’homme et la nature, et ne valent que pour l’enrichissement du capitalisme et de ses « VRP » !

Les effets chimiques

Les gaz à effet de serre (GES) ont toujours été présents à un taux que l’atmosphère pouvait assimiler et participaient à l’équilibre naturel de l’air sur la planète. Vapeur d’eau, 60 % ; dioxyde de carbone (Co2), 26 % ; ozone, 8 % ; méthane (CH4) et protoxyde d’azote (N2O), 6 %. Ces gaz sont émis par la respiration des humains, des animaux (y compris les vers de terre) et par l’ensemble du monde végétal.

Depuis 1750, les activités humaines émettent des GES ; l’utilisation d’énergie fossile, couplée à la déforestation dégage du Co2 à foison. A cela s’ajoute l’accroissement de l’élevage des ruminants fournisseurs de méthane, au point où l’assimilation par la nature s’en trouve déséquilibrée, créant un début de réchauffement climatique. A partir de la 1ère révolution industrielle, la consommation du pétrole et du charbon va accentuer les GES. Puis, l’utilisation d’engrais pour l’agriculture rejettera du NO2. Enfin, les réfrigérateurs, congélateurs, climatiseurs, aérosols… émettent de l’hydrofluorocarbures (HFC), qui, additionnés au méthane, provoquent les « trous » d’ozone. La courbe ascendante des GES ne s’interrompt pas depuis l’avènement de l’ère industrielle, faisant augmenter la température de 1,2° de 1860 à 2012. L’atmosphère ne peut plus assimiler la pollution due au rythme des « progrès » techniques, ce qui accentue le réchauffement de l’atmosphère et des océans. La mondialisation de la production et des échanges produit plus de GES. L’atmosphère est au bord de l’asphyxie, d’où l’alarmisme légitime du Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat (GIEC).

Les émissions de Co2 de l’UE représentent 4,6 Mds/tonnes/ an. En 2013, on constate une baisse de 2.5% des émissions de GES. L’UE représente 11% des émissions mondiales de Co2, elle est la zone géographique la moins pire en émissions de Co2 (-18% de 1990 à 2014).

Le coût d’utilisation d’un simple PC en mode bureautique est insignifiant, mais il produit 1094 tonnes de Co2 par an, soit l’équivalent d’un aller simple de Londres au Caire en avion.

1 tonne de Co2 = 8,3 années de chauffage à pompe à chaleur électrique d’un logement de 60 m² ; 1,5 par an de chauffage au gaz pour un logement identique ; 4 000 km parcourus en voiture.

La totalité des smartphones de la planète rejette 74 kg de Co2 par seconde, totalisant 2,35 millions de tonnes/an.

Chaque année, la végétation terrestre absorbe 120 Mds/T de Co2 atmosphérique lors de la photosynthèse. La moitié de ce Co2 retourne dans l’atmosphère par la respiration des végétaux, l’autre moitié est stockée dans la plante. Elle absorbe ce dioxyde au fur et à mesure qu’elle grandit, en mourant et en se décomposant, elle le rejette. Ce Co2 est neutre, toutefois il est cumulé avec l’empreinte carbone anthropique. Tout ce qui affecte le cycle de vie des plantes, telles la sécheresse et la déforestation, affecte la respiration de la Terre. Les forêts du monde entier absorbent 1/3 du Co2 dégagé par les énergies fossiles (étude de 2011). Les émissions liées à la déforestation réduisent à néant le bilan carbone des zones tropicales.

Les marécages représentent 6% des terres émergées et leur éventuelle disparition engendrerait une diffusion massive de Co2 dans l’atmosphère de même manière que le ferait la fonte du permafrost. Ceux-ci recèlent environ 770 Mds/T de GES, presque autant que la contenance de l’atmosphère terrestre : les forêts tropicales concentrent environ 950 Mds/T de Co2.

Le trou de la couche d’ozone atteignait 6,27 millions de km2 en moyenne au cours de l’année 1982 : depuis il a continué à grandir jusqu’à atteindre 25,81 millions de km2 en moyenne actuellement.

Comme précisé ci-dessus, la pollution maritime est pire que la voiture, ainsi que le camion, que l’avion. Le carburant d’un navire émet du dioxyde de souffre, ce déchet est responsable de 60 000 morts prématurés.

En 2014, l’anthropie aura émis 52,7 Mds/T de Co2 (équivalent : en tenant compte des autres GES). Soit 7,3 tonnes par habitant/an.

Leurs conséquences sanitaires

Outre les conséquences environnementales, évoquons les pathologies chroniques dues à la pollution atmosphérique : asthme, bronchite, pneumonie, cancer pulmonaire, cardio-vasculaire… ou tout simplement, la toux, une respiration sifflante, une gêne thoracique, ou encore une sensation de brûlure des poumons. Les populations les plus vulnérables sont les enfants, les personnes âgées et les ménages socialement défavorisés (accès limité aux soins). Selon l’OMS, 1,3 million de personnes (plus de la moitié dans les pays pauvres) meurent chaque année en raison de la pollution de l’air des villes. Les citadins souffrent davantage de maladies citées, ainsi que de cardiopathies.

Les concentrations en pollen et autres aéroallergènes sont augmentées en cas de pollution de l’air, a fortiori en cas de canicule. La pollution peut à la fois agir sur les pollens en modifiant leur structure biochimique (et les rendre encore plus allergènes) et sur les muqueuses respiratoires en modifiant leur sensibilité immunologique aux grains de pollen. Conséquences : rhinites allergiques, conjonctivites allergiques, bronchites et asthme, concernent actuellement 20% de personnes en France.

Selon l’OMS, en poursuivant ce mode de système économique, le dérèglement climatique pourrait entraîner 250 000 décès supplémentaires par an entre 2030 et 2050. 38 000 décès seraient directement liés à l’exposition à la chaleur des personnes âgées, 48 000 seraient dus à la diarrhée, 60 000 au paludisme, et 95 000 à la sous-alimentation des enfants. En effet, le réchauffement entraîne une propagation de maladies parasitaires : paludisme, dengue, chikungunya, mais également borréliose de Lyme, peste…

Par ailleurs, le réchauffement provoque un assèchement des réserves naturelles d’eau potable et le manque d’eau compromet l’hygiène, accroît les maladies diarrhéiques, tuant près de 600 000 enfants âgés de moins de 5 ans par an.

Toutes les populations commencent à ressentir plus ou moins fortement les effets du changement climatique. Mais ce sont surtout les populations les plus vulnérables qui sont touchées : celles qui vivent dans de petits Etats insulaires, dans les mégapoles, en montagne, dans les zones polaires, et dans l’ensemble des pays pauvres.

PES, lors de ces précédentes parutions, a évoqué les graves conséquences du système du capitalisme financiarisé et mondialisé, dont la seule motivation est la croissance, pour le profit des fonds de pension, actionnaires des multinationales…, liés à l’industrie nucléaire, à l’extractivisme, qui n’ont que mépris pour les conséquences écologiques, sociales, tant que le système leur permet un « rendement » suffisant. Le « monde numérique » relève de la même logique catastrophique.

Virtuellement vôtre

Internet est présent partout, à la maison, à l’école, dans les administrations, les entreprises et dans les conflits guerriers (drones). Se connecter n’est plus un choix mais une impérieuse nécessité imposée par les Etats. Cette technologie du futur a été applaudie par les classes dirigeantes et possédantes aussi bien que par les écologistes, communistes, anarchistes… Même certains altermondialistes y ont vu une « révolution inédite », autorisant les peuples à se libérer. L’ensemble des travailleureuses et leurs familles s’y sont jetés avec frénésie ; la toile est le lieu de rencontre des passionnées du numérique et électronique.

En fait, cette 3ème révolution industrielle est la continuation du procès industriel entamé voilà deux siècles. Elle est le prolongement de l’évolution, de l’adaptation du capitalisme pour rester le fer de lance de la civilisation, au-delà du profit. Sa survie en dépend, le progrès technologique est son arme à condition qu’il en soit le maître. Se l’interdire, c’est mourir.

Le Nasdaq – le marché boursier – a évolué aussi vite que l’innovation de cette technologie. Ce marché est l’un des plus puissants, prometteur de gains fantasmagoriques : en une année, sa valeur s’est envolée de 12,37 %.

Il est indispensable de comprendre la question numérique dans sa perspective historique afin d’en saisir tous les aspects et de connaître les implications fondamentales que le monde virtuel produit sur l’ensemble des vies sociales et humaines. Sommes-nous dépossédés de nous-mêmes en prétendant que le Net apporte toutes les réponses ? Ne sommes-nous pas, toujours, menottés à la technologie ?

le capitalisme au XIX° Siècle s’est saisi du taylorisme, des composants des gestes ouvriers, accaparant du même coup leur savoir-faire, que le XX° Siècle ne saurait être le sujet destructeur, c’est l’individualisme et la réussite personnelle prônée par l’idéologie dominante qui détruit a détruit le savoir-être-ensemble, enfin au XXI° Siècle c’est la technologie numérique qui restreint la capacité de penser par soi-même. En deux cents ans, l’héritage des civilisations précédentes serait-elle est en voie d’évaporation ?

On entend souvent des vérités toutes faites : « L’outil est neutre, c’est son usage qui est déterminant… » « il suffit de garder les bons côtés d’Internet… ». Or l’outil n’est pas neutre, il est une construction qui, en principe, aide la main humaine. Internet prétend à cette fonction. Toute innovation technique comporte ses revers et ses bienfaits, et a des répercussions dans la société. Le tout numérique a pour objectif un contrôle de toutes les activités humaines, permettant d’adapter le produit à vendre. Les Gafam (Google, Apple, Microsoft, Amazon, Facebook) sont les maîtres du monde ; en vantant les « valeurs » techniques, éducatives, économiques, de sécurité, morales, et donc sociales de leur high tech, ils s’assurent une clientèle captive, d’autant que le matériel est programmé pour être très vite obsolète. Il faut sans cesse innover, pour vendre : ordinateurs, téléphones mobiles et avoir la main sur les relais (antennes relais, câbles en fibre de carbone, routeurs, serveurs, data-center) un énorme marché, à stratégie économico-politique importante. Qui produit ? Pour qui ? Dans quelles conditions ?

Ce sont des milliards de données détenues par les Gafam, courtisés par l’ensemble des grands groupes financiers et industriels. C’est une véritable croyance dans le dieu de la « technologie virtuelle ». Plus besoin d’interventions humaines, les algorithmes programment, corrigent, impulsent, contrôlent et fichent. Plus besoin de cerveau humain ! Jusqu’où pensent-ils aller ceux de la Silicon Valley, inventant des techniques transhumanistes ? Annihiler la capacité de penser par soi-même d’une part, et d’autre part, pousser l’addiction à la pathologie ?

De Charybde en Scylla

Il ne s’agit pas de tout jeter dans la technologie moderne ; elle permet la communication rapide, des solidarités permettant des actions relayées, le rapprochement des familles éloignées, la communication… En revanche, le capital se porte le mieux du monde, la fortune vite faite des Gafam en témoigne ; le contrôle des populations grâce aux données est performant ; la législation des Etats pour une administration virtualisée s’impose, au détriment d’espaces collectifs où se crée de l’intelligence collective. La toile peut être un simulacre de pouvoir du peuple qui préfère signer une pétition en ligne, plutôt que de convaincre son voisin, ou de manifester publiquement…

Le capitalisme a l’appétence à se concentrer pour notamment accaparer toute innovation technique. Aussi toutes nouvelle technologie est à appréhender avec vigilance, voire à réfuter, du travail à la chaîne, de l’Enseignement informatisé, de gérer un troupeau de chèvres par ordinateur grâce aux « puces », etc. La course au transhumanisme, où des Mds de dollars sont là investis ne présage rien de bon pour les peuples. Quid de la personne humaine lorsqu’on lui (im)posera un implant ?!

Les travailleureuses doivent accaparer leur autonomie de réflexion pour la collectiviser en parallèle de l’informatique, toutes les luttes écologiques, économiques, sociales se valent, vu que toutes les manigances du capital sont liées.

Jaime Sempru, dans L’abîme se repeuple, rappelle que quand l’écologiste demande « Quel monde allons-nous laisser à non enfants. », il évite de poser cette autre question bien plus inquiétante : « A quels enfants allons-nous laisser le monde ? »

Jano Celle, 24/10/18

Sources : La société écologique et ses ennemis, Serge Audier. Éd. La découverte. Internet ou le retour à la bougie, de Hervé Krief – Ed. Quartz. La guerre des métaux rares, la face cachée de la transition énergétique et numérique, Guillaume Pitron – Ed. Les liens qui libèrent.  Sources des précisions quantitatives : Internet.

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