Combat pour le climat – suite

Le premier article traitant d’extinction Rebellion (XR) (https://tet.alterpresse68.info/2019/10/03/combat-pour-le-climat/ a été mis en ligne le 3 octobre, soit deux jours précédant l’occupation d’un centre commercial, puis la place du Châtelet à Paris. Ci-dessous, la suite sur ce mouvement.

Comment Extinction Rebellion prône la désobéissance civile

De succès, en interrogations

Le 5 octobre, XR inaugure à Paris sa première action, l’occupation d’un centre commercial (Italie 2) dans le XIII° arrondissement parisien, puis le 7 sur la place du Châtelet, plus un pont afin de bloquer la circulation. Pont, que gentiment, les « bleus » ont rapidement évacué. Plus de milles personnes auront été déployées à l’entrée et dans le centre commercial, sans violence, mais sans retenue non plus !

Londres

La victoire et le succès – symbolique, vu la stagnation politique en ce domaine – est total quant à sa médiation et son soutien : GJ, GN (sans papiers), Comité Adama, GV (autres écolos)…

Ces actions coïncident avec une campagne d’occupation et de mobilisation dans une soixantaine de capitales dans le monde, où XR aura mobilisé pour une huitaine de jours.

La réussite tient à divers éléments. En premier lieu donc, l’intérêt pour les médias (qui, déjà, suivent les manifestations pour le climat de ces derniers mois), les préparations de costumes, de banderoles et de tout ce qui peut faire une manifestation bon enfant, souriante, non violente, festive, en musique et surtout, visible. Ajoutons une communication très efficace pour les nouveaux arrivants ou des passants, et par l’extrême organisation : un point médical, un point bagages, une bibliothèque… L’espace a été pensé pour que l’occupation fonctionne, ce qui demande une organisation énorme en amont. La « kermesse » très colorées a attiré le mainstream comme la fleur attire l’abeille, qui aura composé sur XR durant quelques jours. En cela, le succès est total.

En revanche sur le plan politique il en va tout autre. Divers observateurs-trices présent-es ont fait le constat d’une forte carence politique. Notamment Mathilde Larrère (1), bien qu’elle loue le savoir-faire militant déployé, l’historienne est déconcertée par l’absence de discours, d’échanges, de débat politique…

Les revendications pour réduire l’empreinte écologique et pour l’interdiction des pesticides se limite à viser l’État, alors qu’il n’échappe à personne que c’est les transnationales qui font la loi, les mandatés au pouvoir ne sont que leurs marionnettes, faut-il encore le rappeler à certains groupes écologistes : le problème climatique doit être pensé dans une perspective anticapitaliste ».

Ne jamais pointer les possédants pose question !

Bien que tout n’est qu’une histoire de pognon, plutôt que de s’en prendre au tenants du capital, XR se limite à revendiquer moins de consumérisme, & pour la décroissance – sans viser personne, donc tout le monde… Culpabiliser les classe populaires au même degré que la bourgeoisie est fort de café. Faut-il rappeler qu’un bourgeois pollue bien plus qu’un précaire, quant bien même que constituer un paradigme pour un environnement sain concerne tous & toutes.

Au bas mot, la France compte pas moins de 100 grands projets inutiles (centre commerciales, autoroutes, PER, fermes usines, déforestations…) Pressentie depuis plusieurs jours, l’opération d’expulsion du hameau de l’Amassada, dans l’Aveyron, s’est déroulée dans la matinée du mardi 8 octobre – à l’ombre du Châtelet. Le chantier, déjà retardé de deux ans, pourra bientôt commencer… Pour les opposants, c’est le début d’une nouvelle bataille. Mais n’est-ce pas là qu’XR devait (et doit) agir ?!

Par ailleurs, le silence (indifférent ?) du gouvernement fait place à l’étonnement, de ne pas avoir utilisé sa rescousse policière habituelle : que dire alors aux GJ qui comptabilisent 7 morts & 2500 blessés ; aux salarié-es occupant leur centre de production, être expulsés violemment : les évacuations aux lacrymos et aux tonfas dans les ZAD : la violence exercée contre les migrants ; et même lors des nuits debout… La raison est limpide comme l’eau de roche, Extinction rébellion n’inquiète pas le gouvernement !

New York

Du moins pas encore. Mais si la DS prend une tournure plus radicale ; le blocage de l’économie dans le transport par exemple, risquerait de faire des vagues chez le ministre Castagner.

L’objectif du réseau est-il d’anticiper les élections municipales de 2020 ? Tenter de faire prendre conscience à ses concitoyen-nes par des mobilisations s’intensifiant, et donc d’attirer davantage de nouveaux participants ?

Ne semble t-il pas qu’XR entend agir sans vouloir se mettre à dos une foule de détracteurs œuvrant dans les coulisses des pouvoirs ?

Bref, le réseau XR ferait-il fi des rapports de classe, d’autant s’il est financé par des bourgeois de haute volée (?) ; son avenir sera instructif.

De la violence…

Rappelons une fois encore que les conflits sociaux et environnementaux sont presque toujours pacifiques, et que s’il y a quelques rares réactions violentes, elles sont l’expression de pures impulsions pour faire face au déferlement policier, juridique, médiatique, économique, dont leur violence n’est plus à démontrer.

Aussi, (extrait de la lettre d’ACTA (2), lorsque XR se revendique “contre toutes les violences” c’est de indécence et c’est violent !

Il semble aller de soi que l’État et ses structures de contrôle ont le « monopole de la violence légitime ». Ajoutons sur la même logique et complémentaire : les classes dirigeantes & possédantes étendent le monopole de la violence en désignant – c’est-à-dire en dénonçant – ce qu’est la violence, à leurs yeux : le propre des « casseurs », des « agitateurs professionnels », de toutes celles & tous ceux qui font tout sauf ce qu’on exige d’elles. Fondamentalement, est jugé « violent » tout ce qui échappe aux structures de contrôle.

C’est pourquoi la non-violence jusqu’au-boutiste et intolérante peut être dangereuse. Comme ce qu’elle prétend combattre, elle est excluante, méprisante, produite dans un environnement privilégié qui n’a pas affaire directement à la menace policière et à la machine infernale du monde social ; bref : elle en devient violente. Elle ne se renverse pas dans son contraire ; elle est son contraire, par nature, et ce sans le vouloir ni s’en rendre compte.

Or, la rébellion – dans son sens le plus originaire – nécessite une belle dose de spontanéité, de créativité, de liberté. Des bals populaires, mais aussi des barricades. Des assemblées générales et des tags. Des rassemblements fixes et des manifestations spontanées.

les barricades et les tags sont-ils réellement “violents”, ou les concevoir ainsi ne serait-il pas une internalisation d’un discours d’Etat, qui souhaite incriminer notre contestation ? XR n’a pas à partager ces choix, mais uniquement à tolérer leur présence.

En conclusion

– Un engagement qui se diversifie (soutiens aux ZAD, etc.) dans le cadre de la DS ne peut qu’être positif.

– Il conviendrait peut être aussi de ne pas faire le distinguo entre une DS directe & une DS indirecte, risquant une contre productivité du sens.

– Prendre en compte, politiquement, la question sociale, nourris l’« inter-communautarisme » (celle de l’écologie et celle du prolétariat, etc.)

– Aller vers les groupes en lutte pour des droits sociaux serait prometteur ! Pour les organisations politiques sociales démocrates, c’est ces groupes qui année après année vont toujours faire le premier pas vers l’autre lorsque une convergence devient indispensable, quasi jamais l’inverse, d’où une lassitude. Or les écologistes doivent à contrario soutenir les divers conflits sociaux (dévastateurs qui prolifèrent) ; ne sont-il/elles pas aussi des travailleureuses ?

– Dans de nombreux pays, les lycéen-nes ont appelé à la grève plusieurs vendredis de suite, dans ce prolongement, les groupes écologistes comme XR, ou autres radicaux, se doivent d’agir avec les travailleureuses en lutte. Il n’y aura pas de convergence vers un combat pour la nature à la hauteur des impératifs si les écologistes ne font pas « quelques pas » en direction des combats sociaux. Idem à l’inverse, au-delà des militant-es qui œuvrent déjà en ce sens, les syndicats doivent en faire autant.

– La grève demande des sacrifices, tout comme la convergence. L’Histoire nous enseigne, qu’aucune lutte n’est victorieuse sans sacrifice.

Ne pas entretenir un égo (collectif) de la non-violence, vu que (presque) toutes les luttes sont pacifiques. Ou alors, il importe d’expliciter la distinction entre l’action pacifique & l’action non-violente ; évitons l’amalgame entre la non-violence et le pacifisme intégral.

Jano Celle le 18/10/19.

Sources : sur le net…

(1) Mathilde Larrère est maîtresse de conférence en histoire contemporaine, spécialiste de la citoyenneté, des révolutions, et du maintien de l’ordre. Très investie à Nuit Debout voilà trois ans de cela, elle a passé sa soirée place du Châtelet avec XR.

(2) ACTA : https://acta.zone/lettre-ouverte-aux-militant-e-s-dextinction-rebellion/

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